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Le travail & L’IA

Obsolescence des compétences, éradication de certains métiers, révolution des pratiques au travail…
L’IA fait beaucoup parler d’elle ces derniers mois, alimentant les fantasmes les plus fous sur les évolutions à venir pour le travail.

Qu’est-ce que l’IA ?

Ce concept est tellement omniprésent qu’on en oublie de le définir, le vidant peu à peu de son sens.

Selon le conseil de l’Europe, l’IA est une discipline jeune d’une soixante d’années, qui réunit des sciences, théories et techniques (notamment les mathématiques, les statistiques, les probabilités et l’informatique) et dont le but est de parvenir à faire imiter par une machine les capacités cognitives d’un être humain.

Rappelons que les hommes pratiquent cette discipline depuis des siècles : dès l’antiquité, la légende attribuait à Descartes la conception d’automates tels que la « perdrix artificielle ». Il avait alors imaginé une machine complexe, capable d’imiter parfaitement les comportements d’une perdrix (battre des ailes, marcher, picorer, etc.). Si cette machine allait jusqu’à donner l’illusion d’être vivante, Descartes la distinguait de l’homme car dénuée de conscience ou de pensée propre.

L’IA est une notion si vaste que les spécialistes préfèrent employer le nom exact des technologies utilisées, comme le machine learning ou le NLP, afin d’éviter toutes confusions. Certains se montrent même parfois réticents à employer le terme d’ « intelligence » car les résultats, bien qu’extraordinaires dans certains domaines, demeurent encore modestes au regard des ambitions annoncées.

Où en est l’IA au travail ?

Il existe 2 types d’intelligence artificielle, qui ont déjà beaucoup d’impact sur certaines professions :

  • L’IA analytique, qui à partir de données et de modèles de retraitement prédéfinies, fournit des résultats d’analyse.
    Ex : les radiologues qui se font aider de machines pour détecter des cancers. 
  • L’IA symbolique, qui à partir de données et de résultats associés est capable de définir des modèles de comportement.
    Ex : les équipes scientifiques qui face à des tueurs en série sur des enquêtes renseignent les données géographiques des crimes pour identifier, avec l’aide de machines, les trajets des criminels, leur mode opératoire et leur parcours. 

Dans les entreprises, on observe aujourd’hui un usage plutôt étroit de l’intelligence artificielle, encore majoritairement cantonné à l’exécution tâches uniques : la reconnaissance faciale pour vérifier les identités à l’aéroport, la recherche sur internet, le diagnostic médical ou encore les outils conversationnels comme les chatbots dans la relation client…

L’IA générale, capable d’imiter les comportements humains, en est encore à ses prémices. Elle commence tout juste à être utilisée dans certains secteurs, notamment l’industrie avec des robots collaboratifs conçus pour travailler avec l’opérateur.

L’IA sensible, dont les capacités surpasseraient techniquement celles de l’homme car augmentée d’émotions, de besoins, croyances et désirs qui lui sont propres, n’est pas encore considérée en entreprise.

Quels impacts sur le travail ? 

Il y a plusieurs approches pour répondre à cette question. 

  • On peut considérer l’IA comme une menace, qui abîmerait la qualité des relations humaines dans notre société et détruirait des emplois.
  • On peut aussi considérer l’IA comme une solution, un outil aux côtés de l’humain qui permettrait d’automatiser certaines tâches considérées pénibles.
  • On peut enfin la considérer comme une utopie, qui permettrait à l’homme de forger une autre société, plus belle, plus désirable. 

Finalement, l’IA est à la fois menace, solution et utopie. Solution car elle pourrait améliorer les conditions de travail ; utopie car elle questionne la condition humaine et nous offre l’opportunité d’adresser une réflexion éthique profonde et globale ; et menace, notamment sur les plans éthiques et moraux, ce qui souligne l’importance de mener des débats collégiaux quant à la place que nous voulons lui accorder dans notre projet de société.

En réalité, ce qui compte, c’est moins de prédire ce que va apporter l’IA, mais de choisir ce qu’elle doit nous apporter. Le travail est une activité constitutive de la nature humaine, avec des pouvoirs expressifs essentiels à l’homme mêlé à des propriétés identitaires. Toucher au travail serait toucher à l’essence de l’homme, ce qui normalise le fait de devoir en débattre.

Enjeux et expériences

Plusieurs études permettent déjà de dessiner les impacts de l’IA sur le travail pour alimenter ces débats éthiques :

#Enjeu 1 : la transmission

Comment continuer à transmettre des savoirs-faire et savoirs-être au travail aux générations futures quand l’IA automatise une grande partie des tâches les plus accessibles ? Si l’IA simplifie le quotidien, elle complexifie le processus d’assimilation de compétences des nouvelles recrues, pourtant essentielles dans la dynamique d’apprentissage.

#Enjeu 2 : la soutenabilité

En automatisant les tâches les plus faciles et rébarbatives, l’IA complexifie et intensifie les journées de travail, supprimant ce qui pouvait représenter des bulles d’air pour les travailleurs.

#Enjeu 3 : la valeur ajoutée de l’Homme

L’IA questionne alors la valeur ajoutée de l’humain dans certains métiers. Le Boston Consulting Group a mené une expérimentation dans sa propre organisation afin de déterminer si l’IA représentait davantage un soutien ou une oeillère pour ses salariés :

  • Dans les métier créatifs, le BCG a observé une hausse de la performance car l’IA leur fournissait une piscine d’idées sur laquelle ils pouvaient appuyer leur travail ;
  • Dans les tâches analytique, l’IA s’est révélé être une oeillère, orientant les salariés vers des pistes fermées.

Il n’y a pas d’IA universelle, il n’y a que des IA choisies

C’est pour toutes ces raison que l’IA doit nourrir des débats collectifs, menés avec l’ensemble des parties-prenantes concernées au sein de chaque entreprise. Il en incombe aux organisations d’expérimenter différentes utilisations, et de les confronter à des diagnostics humains afin d’en évaluer les apports et les risques, et finalement se nourrir des convictions communes. 

Penser la place de l’IA dans l’entreprise est un choix politique dont doivent se saisir les dirigeants. Cette question nécessitera expérimentation, recul et ajustement.

Éclairage de Rose Ollivier, Directrice de l’observatoire & Consultante

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