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Obsolescence des compétences, éradication de certains métiers, révolution des pratique...
février 2024
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Le 5 avril 2022, The Boson Project organisait Tchatche, un concours de joutes oratoires avec pour thème « Métro, boulot, idéaux ». L’occasion de s’interroger sur le monde que l’on souhaite voir émerger en 2030. Mounir Mahjoubi, entrepreneur et ancien secrétaire d’État au Numérique, et Maxime de Rostolan, entrepreneur écologiste, se sont prêtés à l’exercice en débattant au sujet du rôle de la startup nation.
À peine élu en 2017, Emmanuel Macron annonçait à VivaTech vouloir faire de la France une « startup nation » afin de faire de l’Hexagone un terreau fertile pour faire émerger les innovations de demain et ainsi attirer les talents. Un quinquennat plus tard, l’expression a perdu de sa superbe, rattrapée par les mêmes biais que les sociétés classiques – manque de diversité, difficile redistribution des gains, etc. Fort de ces constats, The Boson Project a ouvert le débat – lors de son événement Tchatche – sur la finalité de ces sociétés en hypercroissance. Finalement, la « startup nation » remplit-elle sa mission initiale en servant la Nation ou agit-elle simplement pour les intérêts des actionnaires ? Mounir Mahjoubi, entrepreneur et secrétaire d’État au numérique, et Maxime de Rostolan, entrepreneur écologiste, se sont prêtés à l’exercice.
« Derrière ce terme de startup, je mettais le refus du système tel qu’il est, la capacité à imaginer quelque chose de nouveau là où il n’y avait rien, à imaginer de nouvelles manières de travailler » , débute Mounir Mahjoubi, qui a contribué, au gouvernement, à faire émerger cette fameuse « startup nation ». Cette manière de voir les choses, de penser l’avenir, c’est une sorte de pari risqué que les entrepreneurs font. L’ancien secrétaire d’État ne s’en cache pas : « L’entrepreneur va tenter de nombreuses fois de faire les choses de manière différentes » pour tenter de trouver la bonne solution, se heurtant souvent à des échecs.
Ce mot a été vidé de sa substance, regrette t-il, estimant qu’aujourd’hui, « ceux qui parlent de « startup nation » utilisent ce terme pour la critiquer. Je n’apprécie pas qu’on vide sa poche à fiel sur cet écosystème et qu’on y associe tous les troubles technologiques du monde, ni tous ceux qui mettent en danger nos démocraties ». Attention, selon lui, à ne pas faire de raccourcis trop rapides, même s’il est impossible de nier les dérives et les déviances de certaines technologies.
Ces troubles dont les startups font l’objet, Maxime de Rostolan en dresse de son côté un portrait sans concessions. « L’innovation, c’est bien, cela stimule, reconnaît-il pour mieux rebondir sur son utilité. Mais l’innovation sert-elle toujours à quelque chose ? » , questionne t-il, rappelant que peu de startups réalisent une « analyse de cycle de vie de leur innovation » et de son impact positif ou négatif sur la planète et la société. La tech et le numérique sont de bons exemples de cette ambivalence entre innovation et environnement.
Communiquer avec des personnes à l’autre bout du monde, apprendre… Personne ne peut nier qu’Internet a ouvert des perspectives incroyables. Mais nul ne peut fermer les yeux sur les besoins énergétiques des data centers ou les conditions de travail des modérateurs du Web. Pour le militant, cette absence de réflexion est la conséquence de l’hypercroissance recherchée par les entrepreneurs et leurs actionnaires. « Les décideurs sont des explorateurs qui ont, en guise de boussole, un tableau Excel. En hypercroissance, il n’y a pas de place pour le doute » , assène t-il, et c’est ainsi qu’on « se retrouve avec un iPhone 13 dans la main, fabriqué par un enfant du même âge ».
Maxime de Rostolan embraye, s’attaquant au Next40 – censé représenter les futurs licornes françaises – qui compte une majorité de FinTech, d’AssurTech et quelques RetailTech qu’il accuse – pour ces dernières – de nous pousser à la consommation. Une manière de sous-entendre que l’innovation de la « startup nation » ne pousse pas véritablement ou toujours à l’émergence de solutions visant au bien commun. « Les drones taxi pour les Jeux olympiques de Paris 2024 sont une fuite en avant technologique et une gabegie énergétique »’ , dénonce ainsi l’entrepreneur.
Qui met en avant l’existence de solution non tech et plus durable à certaines problématiques, comme le fait de choisir un voilier pour aller au Brésil, de remettre en place des lignes de train de nuit ou encore de redonner toute sa place à la consigne. Des outils bien tangibles, qui nécessitent de revoir notre rapport au temps et notre manière de consommer. C’est peut-être ça, avant tout, que la technologie tente de nous faire gagner : ce temps si précieux, sans prendre en considération les années de vie qu’elle coûte parfois à la planète.
Mounir Mahjoubi insiste en réponse sur le fait que « les entrepreneurs se lèvent le matin pour avoir un impact justement » et rétorque que l’innovation sert bel et bien dans tous les domaines. Les FinTech et AssurTech, elles-mêmes, ont par exemple contribué et contribuent encore à moderniser les banques traditionnelles, qui peinent à évoluer. Ces sociétés, en tant qu’agitatrices de l’économie traditionnelle, ont le don de comprendre comment mieux répondre aux attentes des clients. Reste maintenant à faire rentrer ces besoins dans les considérations environnementales, mais il s’agit là justement de réveiller l’énergie entrepreneuriale au service de l’environnement et non de la restreindre en la disqualifiant.
Derniers points abordés par les deux orateurs : la redistribution des gains et l’accès à l’entrepreneuriat. Maxime de Rostolan critique les aides fiscales offertes à certaines sociétés qui ne paient pas leurs impôts en France. « On ne peut pas avoir Uber et l’argent d’Uber » , lance t-il, reprenant ainsi une phrase bien connue des critiques de la « startup nation ». Les montants levés par les startups ne cessent d’augmenter avec pour ambition de voir émerger quelques pépites qui compenseront les nombreuses pertes. À ce jeu, la plus value pour les salariés de ces entreprises et l’économie nationale ne sont pas à la hauteur, estime t-il.
Ce monde des startups serait également « celui de l’entre soi, où des jeunes bourgeois se font financer par des entrepreneurs qui ont réussi » sans que soient prises en compte les externalités. « On ne compte pas le capital humain et naturel dans le capital financier. » À ce manque de diversité que l’on observe dans la tech, l’ancien membre du gouvernement, pointe au contraire les efforts réalisés par l’État en ce sens. La France cherche à « accompagner les entrepreneurs pour les sortir de leur condition, comme en témoignent les programmes Startup Banlieue ou encore French Tech Tremplin« , qui ont pour ambition de soutenir les entrepreneurs issus des banlieues qui manquent parfois d’un bon réseau pour se lancer ou méconnaissant les codes de l’entreprise.
Parler à un investisseur est tout un art. « Certains de ces startuppeurs cherchent, à travers leurs entreprises, à répondre à des difficultés rencontrées dans les banlieues que personne ne connaît mieux qu’eux » , renchérit Mounir Majhoubi, pour mieux souligner leur importance. Se priver de ces talents serait ainsi une grosse erreur pour l’entrepreneur et politicien. « Ne tuons pas les entrepreneurs en les enfermant dans des cases » et en les discréditant, conclut l’ancien secrétaire d’État au Numérique. De son côté, Maxime de Rostolan souhaite appeler les entrepreneurs à une réflexion avant le passage à l’action, pour éviter de se lancer dans une course à l’hypercroissance qui ferait oublier l’essentiel : la transition environnementale.
À l’issue de cette joute verbale, le public n’a pas réussi à départager les deux orateurs. Et vous, qu’en pensez-vous ?
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