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Managers de proximité, clé de voûte d’un télétravail au service de l’excellence humaine

Pour la deuxième fois en moins de 6 mois, des millions de travailleurs français basculent dans le télétravail forcé. Le premier confinement et la période qui a suivi sont riches d’enseignements. Avant de retourner à nos conf calls et webinars, prenons un peu de recul sur ces nouveaux modes de travail.

Tour d’horizon chiffré pour mesurer l’ampleur du phénomène

En l’espace de quelques heures, le télétravail s’est imposé à tous déboulonnant des années d’a priori et de réticence dont il était victime. À la faveur de cette situation inédite, les bénéfices du travail à distance sont effet apparus aux yeux de tous : continuité de l’activité depuis chez soi, réduction des temps passés dans les transports, amélioration de la productivité individuelle (allant jusqu’à +20%*), flexibilité et autonomie.

Cependant, ce changement brutal a mis aussi en exergue les limites de cette nouvelle forme de travail : l’isolement des travailleurs, la rupture du lien au sein des équipes, les inégalités dans les conditions de travail ou encore les conséquences cognitives de l’absence de séparation entre l’espace de travail et l’espace de vie.

À l’aune de ce nouveau confinement, l’accélération du home office impose de prendre un peu de distance et de se questionner sur la manière dont il pourrait être plus qu’une solution palliative à la crise sanitaire.

Constat de l’égalitarisme moyen : multitude de situations, uniformisation des réponses

Rotation des équipes, taux de présence, nombre de jours télétravaillés par semaine, quantité de surface de bureau supprimée… Les débats semblent aujourd’hui se réduire à des questions numériques et se portent en grande partie sur la répartition de jours en télétravail autorisés sur la semaine : 3 à 4 jours de home office annoncés pour les sites tertiaires de Renault, Novartis en négociation pour 100% de télétravail…
Même au plus haut sommet de l’État, le télétravail semble se résoudre à une équation comptable. La ministre du Travail, Elisabeth Borne, déclarait ainsi le 15 octobre que dans les zones soumises à couvre-feu, les organisations auront l’obligation de “fixer un nombre minimal de jours de télétravail par semaine pour les postes qui le permettent”.

Et si les considérations restent très quantitatives et les mesures appliquées le sont uniformément quelque soit le service, le métier et les enjeux calendaires de l’activité, c’est que les décisions semblent souvent prises au plus haut niveau des organisations. C’est ce dont témoigne l’ouverture des négociations sur le télétravail entre le patronat et les syndicats pour le 3 novembre*. Des négociations macro laissant peu de place au sur-mesure.

La réflexion est donc largement centralisée, parfois déconnectée de la réalité métier traversée par les différentes équipes et basée sur une stricte égalité des conditions de travail entre les collaborateurs. Une vaine tentative d’équité au regard des disparités tant sur sur les conditions de travail au domicile que les réalités métiers de chacun.

Le travail : une histoire de communauté humaine

De surcroît, réduire le débat du télétravail au nombre de jours à imposer par semaine, sans prendre en compte les spécificités de chaque profession, de chaque équipe et de chaque actualité collective, c’est prendre le parti que la distanciation physique modifie finalement assez peu l’essence du travail. Considérer qu’un travail se produit indifféremment selon que l’on soit à domicile ou au bureau, c’est prendre le risque de le cantonner à sa seule valeur transactionnelle, à la productivité individuelle, au détriment de toute sa dimension communautaire et sociale*.

« L’activité se retrouve déconnectée de sa finalité sociale. » – Danièle Linhart

Avec la généralisation des outils de reporting, mais aussi la mise en place de dispositifs organisant pour chacun le travail de façon prédéterminée à l’aide de logiciels le découpant en tâches précises et le schématisant grâce à des algorithmes ; la retaylorisation, n’est pas loin de se déployer massivement, constate de son côté Dominique Méda, sociologue*. C’est ce qu’évoque également le sociologue François Dupuy en désignant le nouveau taylorisme comme un modèle d’organisation basé sur la segmentation des services et le mode de travail séquentiel. Un fonctionnement en silo accentué par le home office et révélant l’enjeu crucial de la coopération à distance des travailleurs*.

Paradoxalement, la distance remet en lumière cette double casquette du travail – tout à la fois producteur de valeur et objet fédérateur de femmes et d’hommes autour d’un projet collectif. Car si les collaborateurs sont légion à ne plus vouloir retourner en arrière sur le sujet du télétravail, à vouloir ancrer ces nouvelles pratiques dans la durée (ils sont 84% à souhaiter le poursuivre*) et à reconnaître avoir été plus efficace chez eux (d’ailleurs, 64% des DRH en attendent des gains de productivité*), ils reconnaissent également que ce qui leur manque le plus à distance, c’est leur équipe* et que, séparés du collectif, ils sont nombreux à perdre en motivation (loin des yeux, loin du cœur : un sondage réalisé en mai dernier révélait une chute de motivation de pas moins de 8 points auprès des télétravailleurs*).

Comment donc ancrer la pratique du télétravail dans le collectif ? Comment en faire un outil qui garantisse l’efficacité opérationnelle des équipes et leur capacité à délivrer de la valeur tout en préservant la dynamique collective et l’alignement stratégique et culturel ?

Le télétravail : un outil au service des organisations

À la faveur du confinement, le télétravail s’est révélé être un moyen formidable de renouer avec une plus grande efficacité, perdue au détour de la généralisation des open spaces bruyants. Il a permis à de nombreux collaborateurs de booster leur productivité en plus de leur épargner des heures de transports et, plus globalement, d’effacer les irritants du quotidien.

Pour autant, certaines tâches paraissent plus laborieuses par écrans interposés : les temps d’idéation prennent des airs de table ronde politique chaotique, les réunions de co-construction manquent parfois de participation active faute de concentration et surtout, on arrive moins à saisir l’impalpable, ce sens commun, ces valeurs qui nous fédèrent… Reclus dans nos intérieurs, déconnectés de l’environnement qui nous baigne habituellement dans une certaine dynamique; la transmission de l’intangible est plus ardue que jamais.

Mal recourir au télétravail, c’est donc aussi prendre le risque de perdre l’essence de ce qui forge les organisations : la flamme collective.

Ce qu’il conviendrait, dans un idéal dépourvu de contraintes sanitaires, c’est d’en faire un usage localisé laissé à la main des managers intermédiaires et de proximité, afin qu’il soit adapté sur-mesure aux actualités charnières des équipes : une majorité de présentiel pour un projet à livrer en commando, du télétravail pour traiter des sujets de fond et se concentrer sur des tâches individuelles, une semaine hors les murs de l’entreprise pour rebâtir sa stratégie… C’est le parti pris par Make.org, dont les salariés sont en télétravail à l’exception d’une semaine par mois pour se dédier aux projets structurants. Le télétravail est alors un outil qui adapte l’espace-temps des équipes par une distinction entre les phases opérationnelles, où chaque collaborateur est dans une logique de production individuelle, et les phases de mise en commun stratégique, temps de concertation macro des objectifs des différentes équipes.

La réflexion sur le télétravail pourra dans ce cas passer d’un égalitarisme moyen (avec un nombre de jours de télétravail fixé pour tous les collaborateurs) à une réflexion stratégique.

Le manager : clé de voûte de la mise en place du télétravail

Et comme clé de voûte de cette stratégie, il faudra des chefs d’orchestre de terrain, qui connaissent sur le bout des doigts les problématiques rencontrées par les équipes techniques aussi bien que la feuille de route mise sur pied par le top management. Des gestionnaires d’humains qui connaissent leurs ouailles, leurs manières de fonctionner en équipe, les motivations individuelles, mais aussi le métier et ses contraintes opérationnelles (tous les jobs ne nécessitant pas les mêmes conditions de travail).

Nous avons nommé : les managers de proximité.

François Dupuy tire ce constat : les grands vainqueurs de cette crise, ce sont eux. Car ce sont eux qui ont permis d’assurer la continuité de l’activité et qui se sont occupés de la santé physique et morale de leurs équipes.
Et ils sont d’autant mieux placés pour réguler l’utilisation de l’outil télétravail qu’ils sont aussi conscients des conditions de travail de chacun à son domicile. En effet, s’il est à la charge des employeurs de “veiller au maintien des liens au sein du collectif de travail ainsi qu’à la prévention de risques psycho sociaux”, ce sont les managers qui seront les garants et gardiens de la santé et de l’engagement de leurs équipes.

Une tâche d’une immense responsabilité qui implique de les outiller au mieux. Car le télétravail nécessite une animation du collectif plus intensive, pour véhiculer le sens même à distance, pour huiler le travail en équipe, pour forger le collectif. Une orchestration minutieuse sera également clé, pour que cet outil soit réellement au service de l’excellence collective plutôt qu’employé de manière disparate par les individus. Il demandera d’ailleurs aux managers de connaître avec une précision accrue les actualités de leurs équipes et de porter une attention particulière au quotidien de chacun pour organiser au mieux l’emploi du travail à distance. Un déplacement de curseur dans la posture des managers qui ne devront pas tant s’employer à être dans le contrôle des résultats a posteriori mais plutôt dans la création d’un environnement favorable à la performance du collectif a priori.

Le télétravail nécessitera aussi et surtout un subtil équilibre entre un certain lâcher prise et une confiance accrue envers les collaborateurs tout en ayant de nouvelles exigences de suivi, de formalisation et d’orchestration du travail. Car le travail à distance a tendance à accélérer les prises de décisions décentralisées et le renforcement de l’autonomie des collaborateurs. Une nouvelle recette qui rendra incontournable la refonte des modes de management où la distance déconstruit le traditionnel “command and control” au profit d’un nécessaire management par la confiance*.

« L’art de diriger consiste à savoir abandonner la baguette pour ne pas gêner l’orchestre » – Herbert von Karajan

Finalement, au nouveau paradigme apporté par la crise sanitaire, le télétravail est bien plus qu’un défi technologique : il est un défi managérial. Les managers seront la clé de voûte d’une appropriation par les organisations de ce formidable outil et plus que jamais, ils doivent y être préparé.

Références

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