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février 2024
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« Un monde sans espoir est irrespirable. » Malgré son constat sans appel, le propos de Malraux est résolument optimiste. Penser grand, résister, s’indigner et s’engager donnent du sens à notre existence et nous permettent de passer de plantons spectateurs à petits humains vivants et vibrants d’idéaux. Puisqu’il est ici question de leadership, je partage avec vous les réflexions qu’une rencontre extraordinaire a nourries.
J’ai partagé un moment avec un homme extraordinaire. Nous avons parlé de la France, des entreprises, de leur transformation inexorable, de leur survie incertaine et nous avons parlé de l’époque. Triste, inquiétante et bouleversante. Nous avons aussi – et surtout – parlé d’amour, de courage, de fraternité. Des mots d’une intensité folle qui me portent encore. Cet étoilé des armées a commandé avec panache des centaines de milliers d’hommes. Puisqu’il est ici question de leadership, et qu’assurément il en est un modèle, je partage avec vous les réflexions que cette rencontre a nourries.
« J’aime les Hommes, j’aime la France et j’aime le Tour de France. » Il martèle le verbe «aimer» qui claque, sans pudeur, avec toute l’intensité abrupte du personnage. Nous manquerions d’amour. Quel leader à la tête d’une multinationale s’y risquerait sans un petit sourire pincé au coin des lèvres ? Il persiste et signe. On ne peut être un chef sans aimer profondément ses subordonnés. Et l’amour en entreprise est possible… Avant la crise, il était souhaitable ; dans « le monde d’après », il sera nécessaire pour reconstruire et ressouder un collectif brisé mais aussi parce que ne seront suivis, dans un monde d’incertitudes, que les leaders alignés, vrais, sensibles . Je ne suis pas certaine que la fabrique à leaders à la française ait bien intégré dans son logiciel cette propension à l’authenticité et ce potentiel d’amour à donner. Résolument le leader de demain sera nu dans sa sensibilité, ou ne sera pas.
« La difficulté de réussir ne fait qu’ajouter à la nécessité d’entreprendre. » C’est peut-être dans ces lignes de Beaumarchais que se déploie le mieux la notion de courage qu’il convoque pour l’entreprise comme la Cité. Justement, à la faveur des derniers mois, une grande enquête menée auprès des travailleurs français révèle qu’ils appellent de leurs voeux le retour des « chefs » qui décident, de ces hommes et ces femmes qui osent naviguer dans un océan d’aléas, dessiner un cap, fédérer autour d’une vision et prendre la responsabilité des erreurs de trajectoires probables. Dans un monde de transitions, tout vaut mieux que l’inertie ou la peur. Agir est déjà une réponse, le courage étant la manifestation de cette puissance d’agir. Dans les armées, il est commun de distinguer les chefs de temps de paix de ceux de temps de guerre. Souvent subversifs, ces leaders – à l’instar de l’amiral Nelson – ont la liberté de leurs convictions. Détachés du statutaire, n’ayant d’autres enjeux que le succès de la mission, l’adrénaline de l’action et le goût des autres, ils déploient une forme de courage – proche de ce que Spinoza appelle la force d’âme – faite de générosité et de fermeté. Les leaders de demain seront courageux, ou ne seront pas.
Pour traverser la tempête, il faut, recommandait Michel Serres, « respecter ce que, dans la marine du XIXe siècle, nous appelions le pacte de courtoisie : laisser les querelles et les couteaux de côté, pour préférer prendre soin de l’autre ». Mon interlocuteurdéplore que ce mot intense, la fraternité, affiché sur le fronton de la République, soit presque devenu désuet, et le convoque comme condition sine qua non pour réapprendre à faire société. La fraternité, cette solidarité spécifique à ceux qui croient aux mêmes valeurs et s’engagent dans un même combat, se dessine dans les liens de ceux qui s’engagent. Résolument le leader de demain permettra ces liens, ou ne sera pas.
Ce haut gradé de l’armée a une foi inextinguible et sublime en la jeunesse, qui donne des ailes. Au fil de ses mots, je me suis aperçue à quel point l’époque est terne, nous rend ternes avec elle et combien sont rares – donc précieux – ceux qui, comme lui, exhortent à l’optimisme, appellent à la relève. « C’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents », dit Georges Bernanos. Si la jeunesse abandonne la bataille, c’est la guerre qui se termine. « La jeunesse est un art », rappelle Oscar Wilde. Faisons de son engagement un remède, un souffle de joie, une ode à la vie. Le leader d’aujourd’hui saura lâcher prise, ou nous ne serons plus.
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