Diriger un cabinet de conseil, d’audit ou une ESN : Tendances et Défis 2024
Tantôt “structure d’utilité publique”, tantôt “temple du bullshit”, plus pers...
février 2024
Tout secteur
À l’heure où les entreprises naviguent à vue, où le monde économique se projette avec difficulté sur ce qui forgera la société de demain, nous sommes partis à la rencontre de ceux dont on parle beaucoup mais qu’on entend peu : les dirigeants des PME et ETI qui sont les poumons du tissu économique et social français.
C’est la bienveillance et la bonhomie de Charles Marcolin qui nous ont tout de suite séduits lorsque nous l’avons rencontré au détour d’un salon sur l’immobilier tertiaire. Entrepreneur humaniste, profondément soucieux du bien-être de ses équipes, le fondateur de la société Korus doit aujourd’hui se faire liant et gardien du collectif dans une structure décentralisée, où les équipes ne sont pas concentrées dans un seul et même siège social mais implantées au plus près des clients. Comment fédérer ? Comment faire cascader une vision et un sens ? Charles Marcolin nous raconte comment le confinement a constitué une incroyable opportunité d’unité et d’appropriation collective de la stratégie.
Alors que le confinement nous séparait physiquement, Charles Marcolin a profité de ce moment hors du temps pour recréer du lien au sein de ses équipes. « Le confinement a été l’opportunité de forger le collectif » à un moment où l’environnement ambiant renforçait l’hétérogénéité du corps social. « Des peurs et des incertitudes pour certains » pris d’immobilisme, « une formidable énergie, du pouvoir d’entreprendre » pour d’autres moins touchés par l’angoisse, une profonde remise en question personnelle pour une poignée d’autres encore, presque sortis du mouvement collectif de l’entreprise, « à contre-courant ».
Charles a souhaité, plus que d’habitude, convoquer l’intelligence collective et la co-construction pour avancer sur les différents chantiers internes, afin que chacun soit en mesure de participer aux enjeux stratégiques de l’entreprise et d’adhérer à une idée commune. « Nous avons été plus en harmonie les uns avec les autres, nous n’avions jamais autant partagé. » Ces quelques semaines lui ont également permis d’interroger sa posture en tant que dirigeant au sein du collectif : « il y a plein de choses que j’ai appris à ne plus faire seul. Avant, j’avais peur de me tromper et là j’arrivais à mieux trancher parce que je me sentais conseillé et soutenu. »
Même avec les filiales, Charles Marcolin se réjouit de liens renforcés. « Nous venions d’intégrer de nouveaux talents et de nouvelles compétences via le rapprochement avec les sociétés LBC et Théorème – et le confinement a été l’occasion d’échanger davantage et d’apprendre à mieux nous connaître pour mieux nous compléter. On n’achète pas une société comme on achète un immeuble, on agrège des talents, des potentiels humains. » Comme nous avons pu l’observer au cours de missions The Boson Project, l’enjeu majeur lors d’un rachat repose en effet sur la capacité à maîtriser la dimension culturelle et humaine des deux entités. Entre un mariage forcé et le chacun chez soi, l’équilibre est souvent délicat à trouver.
Comme une preuve de ce sursaut collectif, les collaborateurs sont massivement revenus au bureau à l’heure du déconfinement, à 40% jusqu’au 2 juin, puis totalement depuis. Car l’avènement total et entier du télétravail, Charles Marcolin n’y croit pas. « Il n’y a pas un modèle qui remplace l’autre, les modèles se compilent, tout est question de mesure. » S’il remarque que ses équipes se sont révélées très efficaces durant cette période de confinement, la solution n’est pas viable sur le long terme selon lui et il donne la part belle aux retrouvailles au bureau. Nous restons des animaux sociaux que le côtoiement physique rassure et nourrit : « J’accorde plus volontiers ma confiance à la personne qui fait l’effort de venir me rencontrer physiquement. »
D’ailleurs, pour Charles Marcolin, les bureaux de demain (comment ne pas en parler avec un expert de l’aménagement tertiaire !) seront avant tout « des lieux de partage, d’apprentissage, de transmission, de convivialité ». Avec des espaces qui incitent à la collaboration, à la créativité collective, à l’expérience partagée (entre collaborateurs, clients, fournisseurs et partenaires). Avec des espaces qui raconteront une histoire commune, celle d’un collectif réuni autour d’une épopée entrepreneuriale. « Les bureaux seront évalués sur leur valeur d’usage, c’est-à-dire sur les services rendus aux occupants par le bâtiment et son environnement. »
Se rapprocher donc, pour mieux se réinventer collectivement. Les équipes de Korus n’ont pas mis longtemps à s’adapter aux contraintes du confinement : le télétravail avait déjà été mis en place pour bon nombre d’employés et tout le monde était équipé techniquement. « Nous avons rapidement pu avancer sur des sujets de fond. » Alors que la voilure de l’activité était réduite, les équipes ont pu s’attaquer à des sujets structurants sur le temps long. « Nous sommes toujours pris par le quotidien, nous avons enfin pu travailler sur la vision du groupe, prendre de la hauteur pour nous remettre en question collectivement. » Charles et ses équipes ont ainsi profité de cette période de ralentissement pour benchmarker, identifier les composantes de leur valeur ajoutée, repositionner les fondamentaux et les valeurs de l’entreprise, revisiter l’offre pour la rendre plus saillante et différenciante. A cet effet, le groupe a créé le poste de Responsable Marketing de l’offre et l’équipe commerciale a été renforcée.
Pour s’ausculter et formaliser l’ADN de l’entreprise, pour sortir du cadre et refondre la stratégie business, Charles Marcolin a souhaité faire accompagner ses équipes d’une aide externe. « Nous voulions avoir un cadrage afin que les débats ne partent pas dans tous les sens et surtout nous voulions du sang neuf pour porter un regard externe sur les travaux que nous menions pour répondre aux ambitions du groupe. »
La consolidation des forces vives s’est accompagnée d’une gouvernance dédiée. Dès le 18 mars, Charles Marcolin a mobilisé le Comité Stratégique et le Comité Exécutif du groupe en une seule instance exceptionnelle d’urgence, en charge de gérer les impacts de la crise en termes sociaux, économiques, sanitaires et opérationnels, tant pour les collaborateurs que les clients et partenaires. « Nos collaborateurs n’ont pas eu le sentiment d’être livrés à eux-mêmes. Ils ont senti que nous faisions bloc, que nous prenions soin d’eux et que nous faisions tout ce qui était en notre pouvoir pour sécuriser l’avenir. » Les deux premières semaines, ce Comité exceptionnel s’est réuni tous les jours, pour lister les sujets à traiter en priorité, lancer le projet en interne, puis tous les deux jours, au fil de la consolidation des objectifs et de la formalisation des livrables.
La co-construction a été essentielle dans la conduite de ces projets. Les managers ont ainsi travaillé sur les valeurs et le socle culturel commun de l’entreprise. Le modèle de gouvernance et le modèle managérial ont également été repensés au travers d’ateliers avec une volonté forte de passer d’un fonctionnement hiérarchisé à un système qui favorise la coopération, l’initiative individuelle et l’intrapreneuriat.
Le passage de la Covid-19 et ses effets systémiques vont impacter durablement les organisations :
Télétravail, restrictions budgétaires, optimisation des m² existants, économie circulaire, flexibilité, recyclabilité, soin de la santé, promotion de la convivialité et des échanges, création d’espaces inspirants pour attirer et retenir les talents, etc. Tels sont, entre autres, les paramètres à prendre en considération dans les nouveaux espaces de travail.
Charles Marcolin avait déjà mis en pratique depuis quelques temps certains principes dans les bureaux de sa propre entreprise.
« Il y a 3 ans, j’ai réuni les collaborateurs du siège social, pour leur proposer de créer leur propre espace de travail. Je souhaitais sortir d’une logique hiérarchique pure pour favoriser la prise d’initiatives et l’autonomie. Un an après naissait le Hangar, fruit d’une magnifique coopération entre les équipes, qui se sont appropriées le sujet et ont imaginé des espaces de travail à leur image, qui conviennent à leur façon de travailler. Pour ma part, fini le bureau individuel statutaire. Je suis dans l’open space avec mes collaborateurs ».
Depuis, il souhaite que ses équipes en régions et dans les filiales s’impliquent et s’engagent également dans la conception de leur propre environnement de travail : Paris inaugure prochainement les nouveaux locaux, Lille et Milan sont en pleine réflexion. « Je leur ai dit : ‘Voilà le budget. Ma seule demande, c’est que vous osiez transformer les espaces autant que vous avez osé réinventer l’entreprise ces dernières semaines. »
On a hâte de voir le résultat !
Ainsi, à l’instar de David Julien ou d’Edouard Duroyon, la crise du COVID-19 a permis à Charles Marcolin d’aller au bout de certaines convictions jusque-là inhibées par le quotidien. Ce contexte inédit crée une “fenêtre de changement” dans laquelle s’engouffrent avec conviction certains dirigeants pour réinventer leur métier et leur mode de fonctionnement. Se pose la question de la durabilité de ces innovations dans le fameux “monde d’après” dont le quotidien ressemble fortement à celui d’avant. Il s’agira sans doute pour les entreprises de faire un devoir d’inventaire afin d’identifier les initiatives qui doivent être pérennisées, modifiées ou disqualifiées. Sans ce travail de “purge”, l’urgence et les travers de la vie “d’avant” risquent de rapidement reprendre le dessus.
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