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Que réserve 2023 pour le bureau selon les directions de l’immobilier ? 

Novembre et décembre sonnaient l’heure du bilan et des fêtes de fin d’année. Ce sont aussi les mois pendant lesquels les salons immobiliers ont ouvert leurs portes, à Cannes, Deauville ou Paris : Workplace Meetings, Immodays, Simi… Ces évènements annuels sont incontournables pour les professionnels de l’environnement de travail et de l’immobilier d’entreprise. Ils sont l’occasion de prendre le pouls du marché, d’identifier les nouvelles priorités et de comprendre comment l’époque reconfigure le jeu immobilier.
Dispersion des collectifs de travail et évolution de l’usage des bureaux, augmentation des coûts de l’énergie et maîtrise des consommations, décret tertiaire et rénovation des bureaux, guerre des talents et attractivité des lieux de travail… Sont autant de sujets qui se parallélisent et s’invitent à la table des réflexions des entreprises.

Alors, quels sont les défis de 2023 pour le bureau afin de soutenir les collectifs de travail, selon les directions de l’immobilier et de l’environnement de travail ?

Une réflexion accélérée sur l’empreinte immobilière

L’œil des directeurs immobilier : un effet de loupe sur l’optimisation des surfaces

Les directeurs de l’immobilier se confient : “Depuis 2 ans, les problématiques immobilières se complexifient.” La généralisation du télétravail a mis à l’épreuve les entreprises sur leur organisation du travail, physique et digitale. “On se cherche”, avec des formules hybrides, hétérogènes en fonction des cultures d’entreprises, des activités, des convictions des chefs sur le travail… En dépit des spécificités, on peut identifier des constantes : les collectifs de travail sont davantage dispersés et la fonction du bureau évolue selon les organisations du travail choisies. 

À cette dispersion des collectifs de travail, vient s’ajouter un contexte de sobriété énergétique, économique et environnementale qui amplifie les attentes sur l’objet immobilier. Comment alors répondre à ces problématiques croisées ?
L’optimisation de l’empreinte immobilière est sur beaucoup de lèvres pour trouver des réponses. Les participants nous partagent : 

  • Les bureaux sont vides 2 à 3 jours par semaine et on se retrouve finalement avec des surfaces sous-utilisées. On pourrait libérer certains étages pour économiser de l’énergie et diminuer le coût de l’immobilier”,
  • “On a parfois le sentiment de locaux “fantômes’’ avec le télétravail, ce n’est pas très vivant. Concentrer davantage les équipes nous permettrait de remédier à ce sentiment d’isolement et leur permettre de mieux coopérer.
  • “Les équipes disent manquer de place, mais les locaux sont vides à 50%. »

Les entreprises veulent saisir l’occasion de la déspatialisation1 du travail pour diminuer les coûts de l’immobilier (d’exploitation, d’énergies…) en redistribuant ou en libérant des surfaces. Les arbitrages leur donneront l’occasion de faire de la place pour accueillir de nouvelles équipes, de densifier les plateaux, de moderniser les aménagements et d’adapter les espaces aux nouveaux besoins…  


Aussi, ces scénarios d’optimisation intègrent de plus en plus le recours à des politiques de flex office et d’espaces partagés, pour équilibrer l’équation économique. Ces politiques de bureaux partagés paraissent aujourd’hui davantage acceptées par les salariés2 : d’abord parce qu’elles se posent en miroir d’une politique de télétravail avantageuse, et ensuite car la logique de redistribution de m2, potentiellement sous-exploités, est entendable d’un point de vue citoyen. Certaines entreprises poussent le flex un cran plus loin, avec des taux de foisonnement plus contraints (0,6). D’autres sautent le pas pour la première fois, en accompagnant plus ou moins les équipes… Quant à certaines organisations, souvent moins contraintes économiquement, elles décident de jouer la carte de la prudence, en mettant en place de premiers tests pour évaluer les effets du flex.

L’œil Boson

L’enjeu pour les entreprises est aujourd’hui d’occuper le bon nombre de m2, d’en faire le meilleur usage possible, et d’éviter les mythes, en imaginant les scénarios possibles et les conditions nécessaires à ces changements.

Or, petit problème. Si on pensait que  bureau occupait une place moins centrale dans le cœur des équipes, force est de constater que la majorité des salariés s’y rend en moyenne 3 jours par semaine,  avec des venues qui se concentrent sur les mêmes jours : mardi et jeudi. Alors au choix, soit on souffre de “l’effet du vide” les jours creux lorsqu’on a une configuration en bureaux attribués, soit la place peut manquer les jours d’affluence avec le flex office.

Pour les directions de l’immobilier, il s’avère aujourd’hui difficile de trouver des solutions 100 % satisfaisantes. Elles se retrouvent à la croisée des chemins entre les intérêts de l’entreprise, ceux des collectifs de travail et ceux des individus. 

Pour trouver le juste milieu et s’assurer que les arbitrages réalisés seront les plus cohérents possibles, un exercice est utile : 

  • Analyser les usages réels que font les équipes des bureaux (taux d’occupation, jours privilégiés, routines d’équipes, activités…),
  • Mettre en perspective les bénéfices potentiels de m2 et l’acceptabilité sociale de ces changements pour les équipes, 
  • Instaurer le dialogue avec les directions pour mettre en perspective l’analyse des taux d’occupation et l’usage que les équipes déclarent faire de ces espaces : l’analyse est-elle partagée ? Pour quelles raisons ? De quoi a-t-elle besoin pour fonctionner ? Qu’est-ce qui ne s’avère pas utile pour son fonctionnement ? Quelles sont les marges de manœuvre proposées ?

L’optimisation de l’empreinte immobilière pose une question essentielle : que sert-elle ? Quelle en est la limite ? Le garde-fou ? L’objectif étant de réaliser des économies avec la bonne occupation des espaces, sans entraver la qualité du travail (collectif et individuel) et des liens sociaux. Aucune stratégie immobilière long-terme ne peut se permettre de perdre de vue le sujet humain.

La montée en qualité de l’expérience sur site

L’œil des directeurs immobilier : faire mieux qu’avant pour être attractif ? 

Les directions de l’immobilier et de l’environnement de travail se démènent pour repenser l’expérience des salariés avec une montée en qualité des bureaux. “Le bureau doit à la fois garantir la fluidité des activités des équipes, mais doit aussi rendre l’entreprise attractive aux yeux des nouvelles recrues.” nous partage un participant du Workplace. 

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène : 

  • L’expérience d’une minorité d’entreprises (start-up, cabinets d’avocats, acteurs du digital) qui ont investi dans des locaux premium et “servicés” et les espaces de coworking qui ont donné le ton au “futur du bureau”
  • Le contexte de “grande démission” et de “quiet quitting”3 : portés par le dynamisme du marché et un rapport de force en leur faveur, les salariés profitent de la période pour changer d’entreprise et de voie. 

Retenir les salariés et attirer les bons candidats devient un enjeu central. Et le bureau semble avoir un rôle à jouer. Si travailler n’est plus conjugué à une présence constante au bureau, ce dernier garde des fonctions primordiales pour les entreprises :  

  • Être outil au service des interactions sociales, appelé depuis 2 ans à être ce “lieu de vie” et de sociabilité,
  • Être un lieu fonctionnel et confortable, distinct de son domicile, pour réaliser un travail de qualité,   
  • Être un lieu de représentation, pour véhiculer une culture d’entreprise, recevoir des clients, attirer des nouvelles recrues, …

L’exigence est donc montée d’un cran pour ces bâtiments. Cela fait appel à de nombreuses compétences pour les directeurs immobiliers et de l’environnement de travail, dont le périmètre de mission s’élargit.  

  • Sur l’aménagement des espaces de travail d’abord : on réinterroge les usages des espaces par les équipes, on s’attelle à analyser et à décrypter les données d’occupation des espaces, on réinterroge les ratios entre espaces de travail individuels et collectifs pour aménager les plateaux, on re-designe les lieux de sociabilité, on aménage des espaces extérieurs pour profiter des terrasses…
  • Sur les services aussi : on propose des activités sportives qui rassemblent, des services de conciergerie pour des besoins pratiques, et surtout des concepts de restauration renouvelés pour offrir des repas de qualité entre collègues.
  • Enfin, on investit le lien avec le territoire d’implantation : le sujet des transports reste clé, notamment pour des entreprises qui n’ont pas pu faire le choix de la centralité, on étudie les services et aménités du quartier…

Beaucoup d’énergie est dépensée autour de l’enveloppe du travail. Néanmoins, si certaines entreprises ont les moyens, pour la majorité d’entre elles l’équation économique ne semble pas évidente à trouver pour financer ces chantiers. Il faut faire des choix.

L’œil boson : de la qualité de vie au travail… au travail de qualité 4

Dans cette “métamorphose” du bureau vers plus de collectif en réponse au contexte actuel, une certaine prudence est de mise. 

Il est indéniable que les salariés vont au bureau pour se nourrir du collectif, pour collaborer, pour leur apprentissage, pour bénéficier de services… Mais les basiques restent importants : doter les salariés d’espaces pour se concentrer, leur permettre de trouver une place, traiter les problèmes acoustiques associés à l’augmentation des visios et à la densification des plateaux…

Par ailleurs, susciter l’envie des équipes ne peut pas se limiter aux aménagements et à la servicialisation de l’environnement de travail. De l’entreprise se dégage une alchimie, une ambiance, dont la qualité managériale est le sous-jacent. 

La montée en gamme des bureaux est intéressante, mais ne peut pas être la seule réponse pour attirer et fidéliser les salariés. Cette responsabilité doit être portée collectivement par l’entreprise (Directions générales, RH, management), au-delà des efforts des directions de l’immobilier et de l’environnement de travail.   

Le défi de l’animation des collectifs

L’œil des directeurs immobilier

La distance relationnelle est une réalité vécue par les entreprises que nous avons rencontrées, avec le développement du travail hybride. Si chaque entreprise choisit son modèle d’organisation du travail, tourné d’abord vers le bureau ou d’abord vers le digital, ce qu’elles redoutent de perdre “C’est cet attachement collectif. Un lien qui nous unit.” 

Aujourd’hui, tout le monde est d’accord pour dire que l’animation des collectifs est essentielle. Mais à qui cette responsabilité incombe-t-elle ? Qui doit en prendre l’initiative ? Les équipes ? Les managers ? L’entreprise (communication, RH, immobilier) ? À quelle dose pour éviter l’overdose ? Les avis divergent : 

  • On ne peut pas attendre de l’entreprise qu’elle organise la convivialité et le lien social, c’est un non-sens. Il s’agit d’un sujet spontané. Ce sont aux équipes de s’en emparer et cela doit rester authentique.” 
  • “Depuis que l’on revient sur site, on se croise, mais l’ambiance est morose. C’est comme si on ne s’autorisait pas à organiser des moments ensemble.” 
  • On a organisé des afterworks pendant 10 semaines. Les gens sont venus pour ça.”  

Différentes initiatives voient le jour pour faire du bureau un lieu vivant. Certaines entreprises manœuvrent en interne : petits déjeuners d’équipes, conférences organisées par le service communication, semaine de noël organisée par le CSE et les directeurs de sites, foire des métiers des équipes… D’autres recourent à des opérateurs comme les “hospitality managers” pour déléguer une partie de cette animation. Une gouvernance à plusieurs têtes voit le jour pour animer et entretenir l’affectio societatis5 au bureau, avec un agenda événementiel régulier, plus ou moins organisé. 

L’œil des bosons

Les directeurs immobiliers et de l’environnement de travail aimeraient trouver des réponses simples à cette quête de l’ambiance au bureau, pour que les salariés passent un bon moment, nourrissent des relations interpersonnelles de qualité et soient au contact d’un environnement aux couleurs de l’entreprise et de sa culture. C’est en réalité une équation complexe à résoudre. 

Elles s’interrogent pour apporter leur contribution au juste niveau : “On sent qu’on a la responsabilité de faire quelque chose pour cultiver un sentiment d’appartenance à l’entreprise avec l’animation des bureaux. Mais c’est une nouvelle compétence.” Et les attentes sont élevées : “Les salariés veulent une expérience plus authentique, pas bullshit. Et en même temps, ils veulent profiter de la flexibilité qui leur est offerte. Les exigences sont nouvelles et cette expérience à la carte est difficile à satisfaire”

Une chose est sûre : nous assistons au retour d’une culture de la considération dans les entreprises, “plus concrète, moins incantatoire, plus personnalisée, plus authentique”6 selon Emmanuelle Duez. Si pour certaines entreprises, ce paramètre est naturel avaient intégré ce paramètre avant 2020, pour d’autres, ce nouveau paradigme implique un vrai pivot en termes de culture d’entreprise. 

La question qui demeure est celle de la responsabilité. L’entreprise peut ouvrir la voie pour instaurer un climat et permettre à chacun de “passer un bon moment”. Elle le fera en assurant les basiques du quotidien (services, restauration, accueil) et quelques rendez-vous annuels sur site pour redonner le goût à chacun de se rencontrer. Mais elle ne peut pas forcer artificiellement le trait pour corriger la distance avec plus de proximité physique.  

Qui plus est, le modèle hybride met aussi entre les mains des salariés la responsabilité de la dynamique qu’ils vont trouver au bureau. Avec l’hybridation du travail, les salariés ont, dans une certaine mesure, la liberté de se demander ce dont ils ont besoin chaque jour : aller au bureau, rester chez soi, aller chez son client… Une liberté de choisir leur lieu de travail, mais aussi de développer les relations qu’ils entendent et de redéfinir le rapport qu’ils souhaitent entretenir avec l’entreprise… 

La responsabilité de cette ambiance est donc partagée entre l’entreprise et les salariés pour créer les conditions idéales de travail. Le bureau est un bout de l’entreprise qu’il appartient finalement à chacun de s’approprier, comme un outil à disposition. 

Cette année, les directions de l’immobilier et de l’environnement de travail sont au cœur de défis fondamentaux : énergie, climat, économie, entretien des liens sociaux et de la performance collective… Elles tentent de trouver, avec les RH et les directions générales, des solutions à la croisée d’intérêts tripartites : ceux de l’entreprise, ceux des collectifs de travail, et ceux des individus.

Si aujourd’hui, penser les conditions du travail semble essentiel avec un immobilier qui se transforme, il est aussi nécessaire de se demander ce qu’il viendra épouser ? Quelle forme d’organisation souhaitable sur le long-terme soutiendra-t-il ? Quelles interactions ? 

Pour que les futurs qui se profilent sur les bureaux soient, eux aussi, souhaitables.


The Boson Project mène actuellement une étude pour faire le point sur les stratégies immobilières des entreprises face au modèle hybride et à la dispersion des collectifs auprès des directeurs immobiliers. 

Rendez-vous sur le profil LinledIn des bosons pour suivre les résultats au printemps

Références :
1 Concept emprunté à Laurent Taskin. La déspatialisation, enjeu de gestion, Laurent Taskin, la Revue française de gestion 2010/3 (n° 202), pages 61 à 76

2 Selon une récente enquête de Parella publiée en 2022, 77% des collaborateurs interrogés percevraient le flex-office positivement. Barometre Csa Parella 2022. calameo.com. https://fr.calameo.com/parella/read/0044555886e6e61c957ae?authid=xokq3KqEvv0y 

3 Ruello, A. (2022, août 22). Emploi : la « grande démission » , un phénomène à relativiser en France. Les Echos. https://www.lesechos.fr/economie-france/social/emploi-la-grande-demission-un-phenomene-a-relativiser-en-france-1782641

4 Le monde d’après aura bien lieu (2022), Enquête de The Boson Project

5 Terme d’origine latine qui désigne le regroupement de plusieurs personnes, désireuses de s’associer pour participer au capital d’une société civile ou commerciale. (Définition L’internaute)

6 Duez, E. (2021, mai 4). Comme je travaille, je vis. Les Echos. https://www.lesechos.fr/idees-debats/leadership-management/comme-je-travaille-je-vis-1311753

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